Les recherches en finance comportementale ont démontré la présence
  d’un certain nombre de biais qui influencent négativement le
  comportement des investisseurs, qu’ils soient individuels ou
  institutionnels. Ceux-ci sont souvent classés en deux catégories : les
  biais émotionnels, qui se produisent lorsque notre recherche de
  sentiments positifs et notre désir d’éviter ceux négatifs prennent le
  pas sur la logique et les faits, et les erreurs cognitives, qui sont
  plutôt liées à un mauvais traitement de l’information (manque de
  compréhensions des règles de probabilités, défaut de mémoire, Etc.).
  Certains biais possèdent des éléments à la fois émotionnels et
  cognitifs, toutefois la catégorisation demeure utile puisque le
  traitement suggéré variera entre les deux pour tenir compte du fait
  qu’il est plus difficile de contrôler des émotions que de corriger un
  raisonnement erroné.
 Examinons quelques exemples des biais les plus courants en
  investissement :
 
  L’aversion aux pertes (émotionnel) est un des biais les plus
  connus en finance comportementale. Il s’agit de la tendance des
  investisseurs à tirer beaucoup plus de contrariété d'une perte, que de
  satisfaction d'un gain équivalent. Un certain degré d’aversion est
  parfaitement rationnel puisque l’utilité marginale de l’argent est
  décroissante (les premiers 100 000 $ de revenus d’une personne lui
  sont plus utiles que les 100 000 $ suivants), seulement le rapport
  entre les pertes et les gains serait de l’ordre de 2 pour 1 selon
  certaines études.
 La conséquence principale de ce biais est ce qu’on appelle l’effet
  de disposition : les investisseurs voyant des titres ayant des pertes
  latentes dans leur portefeuille refusent de les vendre, souhaitant
  qu’ils remontent au moins à leur cours d’achat, même s’il existe de
  bonnes raisons à celles-ci, telles que des difficultés financières
  pour la compagnie. Ironiquement, ce comportement peut donc les
  conduire à prendre plus de risques que ce qui serait optimal selon
  leur profil d’investisseur. À l’inverse, les investisseurs
  s’empressent souvent de vendre les titres gagnants pour ne pas risquer
  de perdre leurs gains non réalisés, même si ceux-ci ont encore un bon
  potentiel de croissance.
 Lors d’une baisse de marché, il est également possible qu’ils
  réagissent impulsivement en posant un geste contraire à leur intérêt à
  long terme : celui de sortir totalement du marché boursier. Ils
  matérialiseront donc une perte qui n’aurait fort probablement été que
  temporaire et manqueront sans doute le rebond subséquent, rendant
  cette perte permanente.
 
  L’excès de confiance (principalement émotionnel) se produit
  lorsqu’une personne surestime ses habiletés et la valeur des
  informations qu’elle a recueillies. Ce biais aurait deux sources.
  D’abord, les gens ont tendance à souffrir de ce qu’on nomme l’illusion
  de savoir, c’est-à-dire qu’ils surestiment leurs connaissances et leur
  capacité de jugement. Fait amusant, celui-ci serait exacerbé chez les
  individus les moins qualifiés, un phénomène appelé l’effet Dunning-Kruger. D’autre part, ils font
  preuve d’autocomplaisance en attribuant leurs succès à leurs qualités
  personnelles, tout en blâmant leurs échecs sur des facteurs externes
  comme la malchance. Subconsciemment, ils tentent ainsi de protéger
  l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. L’excès de confiance est très nuisible
  aux investisseurs puisqu’il peut conduire à un manque de
  diversification, des activités de négociation exagérées, et une prise
  de risques excessive.
 
  La maîtrise de soi (émotionnel) est la capacité d’un individu
  de garder ses émotions et son comportement en contrôle. Évidemment, la
  plupart des gens tendent à privilégier leur satisfaction à court terme
  au lieu de l’atteinte de leurs objectifs à long terme. Au niveau de
  l’investissement, cela se manifeste généralement par une épargne
  inférieure à celle requise, et a parfois comme conséquence que
  l’investisseur, faisant la réalisation qu’il n’en a pas suffisamment
  accumulée, tente de compenser en prenant plus de risque que ce que sa
  tolérance lui permet.
 
  L’aversion aux regrets (émotionnel), quant à elle, se manifeste
  lorsque les investisseurs agissent de façon à éviter d’avoir des
  regrets, que ce soit celui d’avoir agi (erreur de commission), ou
  celui de ne pas avoir l’avoir fait (erreur d’omission). Celle-ci peut
  avoir deux conséquences. D’une part, l’investisseur qui a subi des
  pertes auparavant peut se montrer trop conservateur dans ses
  placements afin de ne pas avoir à prendre la responsabilité d’une
  nouvelle erreur. Cela peut lui être utile psychologiquement à court
  terme, mais nuire à l’atteinte de ses objectifs à long terme.
 D’autre part, certaines personnes peuvent s’engager dans ce qu’on
  nomme le comportement grégaire (ou moutonnier) en investissant dans
  des placements populaires auprès de la masse, sans faire leur propre
  analyse, afin de ne pas « manquer le bateau ». Malheureusement, il y a
  de bonnes chances que les titres qui capturent l’attention du public
  et des médias le font parce qu’ils ont déjà connu une montée
  importante et que l’espérance de rendement ne soit plus si
  intéressante. Une décision d’investissement devrait être basée sur des
  caractéristiques fondamentales et non sur une popularité temporaire.
  Parlez-en à ceux qui ont investi dans les titres technologiques au
  début des années 2000, ou plus récemment, dans le bitcoin quand
  celui-ci se négociait dans les 20 000 $.
 
  Le biais de disponibilité (cognitif) désigne la propension des
  gens à accorder plus d’importance aux informations facilement
  accessibles en mémoire pour évaluer des probabilités et prendre des
  décisions. Le problème est que notre capacité de mémoire est limitée,
  nos souvenirs biaisés, et l’information dont nous disposons,
  incomplète. Cela nous rend susceptibles à faire des choix
  d’investissement en fonction de campagnes marketing, de favoriser les
  titres de compagnies œuvrant dans notre propre industrie ou dont nous
  aimons les produits, et de sous-diversifier nos portefeuilles en
  favorisant notre marché local; ce qu’on appelle le biais du pays
  d’origine (home-country bias). Ce dernier est très présent chez
  les investisseurs canadiens, ce qui est malheureux considérant la
  piètre diversification de notre marché boursier.
 
  La comptabilité mentale (cognitif) est le nom utilisé pour
  décrire la tendance des gens à séparer leur argent dans des comptes
  mentaux selon sa provenance ou l’utilisation qu’ils comptent en faire.
  L’exemple le plus connu de ce principe est la façon différente qu’ont
  la majorité des gens de traiter leur bonus ou leur retour d’impôt
  comparativement à leur salaire périodique, se montrant plus impulsifs
  pour les dépenser puisqu’ils ne les avaient pas prévus dans leur
  budget. Cela ne devrait pas être le cas puisque l’argent est un actif
  fongible : un dollar est un dollar, peu importe sa provenance!
 En investissement, cela se manifeste souvent par un compte pour la
  prise de risque modérée, et un autre dédié à la spéculation, au lieu
  de gérer le portefeuille de manière globale et de tenir compte de
  l’effet de la diversification. On peut aussi se retrouver en présence
  d’un investisseur qui investit dans des placements offrant de faibles
  rendements, tout en maintenant une balance de carte de crédit négative
  et en payant des intérêts élevés (comportement à éviter).
 
  L’ancrage mental (cognitif) se produit lorsque l’investisseur
  se raccroche à des points de référence passés au lieu d’incorporer de
  nouvelles informations pertinentes dans son estimation de la valeur
  d’un titre. Ces points de référence sont souvent la valeur d’achat, ou
  celle d’un creux ou d’un sommet sur une période arbitraire. Par
  exemple, un investisseur qui refuserait d’investir dans un titre
  uniquement sur la base d’une augmentation récente de son cours ferait
  preuve d’ancrage mental s’il ignorait la forte croissance des profits,
  pendant la même période, qui justifiait la hausse de l’action.
 
  Le biais de confirmation (cognitif), ou persévérance dans la
  croyance, se manifeste lorsque les investisseurs recherchent des
  informations allant dans le même sens que leurs opinions, et ignorent
  les éléments qui les contredisent ou qui affaiblissent leur
  argumentation, afin d’éviter l’inconfort mental qui résulte d’avouer
  qu’ils sont dans l’erreur. Les investisseurs souffrant de ce biais
  auront tendance à sous-diversifier leur portefeuille et à s’accrocher
  trop longtemps à leurs mauvais investissements.