Pièges à éviter lorsqu’on planifie sa succession

25 mars 2021 par Olivier B. Ampleman

Deux personnes qui consultent un document.

La planification successorale est une activité complexe qui nécessite des connaissances dans divers domaines, notamment juridique, fiscal, financier et immobilier. De ce fait, il est facile de commettre des erreurs lorsqu’on l’exécute, particulièrement si on cherche à aller vite en raison de l’inconfort que cela nous amène. Il convient donc de se rappeler que ce sont nos proches qui auront à en assumer les coûts, souvent élevés, et de prendre le temps de bien réaliser cette démarche. Afin de vous y aider, voici une liste des principaux pièges que vous devriez chercher à éviter.

1. Ne pas consulter des professionnels

On parle ici de votre conseiller en placement, de votre comptable ou fiscaliste, de votre avocat, mais surtout d’un notaire pratiquant en droit successoral!

Il faut d’abord savoir qu’il existe trois formes de testament au Québec : le testament notarié, le testament devant témoins, et le testament olographe. Ces deux dernières ont « l’avantage » d’éviter de payer des honoraires à un notaire, mais peuvent entraîner des conséquences beaucoup plus importantes qu’une facture de quelques centaines de dollars.

En le rédigeant vous-même, vous courrez le risque que votre testament ne respecte pas les exigences prévues par le Code civil du Québec pour la forme que vous avez choisie, ce qui pourrait conduire à une déclaration de nullité par le tribunal, le rendant pour ainsi dire inexistant aux yeux de la loi.

De plus, il est plus probable qu’un testament non notarié conduise à des batailles judiciaires, soit parce que des clauses portent à interprétation ou ont été mal rédigées, ou même parce que des héritiers actuels ou potentiels en contestent la validité. Dans le meilleur des cas, cela aurait pour conséquence de rallonger les délais avant que vos héritiers reçoivent vos legs, ce qui serait le cas avec ou sans contestation puisque le testament notarié est la seule forme ne nécessitant pas de vérification d’authenticité par la Cour à la suite du décès.

Vous pourriez également ignorer des outils légaux qui vous permettraient d’avoir une plus grande certitude d’arriver à vos objectifs, ou au contraire, des dispositions de la loi qui les contrecarreraient. Par exemple, peu de gens sont au courant qu’utiliser un de ses héritiers comme témoin a comme conséquence de nullifier le leg à celui-ci, ou que le conjoint survivant aura habituellement droit aux sommes dans les CRI / REER immobilisés / FRV peu importe les dispositions testamentaires du défunt.

Finalement, un testament notarié apporte une plus grande sécurité puisqu’il ne peut être perdu, détruit ou altéré, l’original étant conservé en lieu sûr par le notaire, et son existence étant consignée au Registre des dispositions testamentaires et des mandats de la Chambre des notaires du Québec.

2. Ne pas s’assurer d’avoir les liquidités disponibles

Ces liquidités sont de deux ordres. D’abord, il faut prendre garde à ce que la succession ait suffisamment d’actifs liquides pour acquitter ses dettes et les frais liés au décès (emprunts divers, dettes fiscales, legs particuliers, frais funéraires et de règlement de la succession, Etc.). Si les liquidités successorales ne sont pas assez importantes, le liquidateur pourrait être forcé de vendre des biens rapidement, potentiellement à perte, ou de céder des biens ayant une valeur sentimentale dont les héritiers auraient préféré ne pas se départir. Méfiez-vous entre autres des impôts liés à la disposition réputée d’une entreprise ou d’immeubles, incluant la résidence principale si l’exonération du gain en capital sur une résidence principale a déjà été utilisée pour certaines des années de détention de celle-ci.

Ensuite, vous devez vous assurer que les personnes à votre charge aient les fonds nécessaires à leur subsistance entre le moment de votre décès et celui du partage des biens. Une succession prend généralement entre douze et dix-huit mois à être réglée, et peut même s’étaler sur plusieurs années dans les dossiers les plus complexes, auquel cas vos proches pourraient ne pas toucher leur héritage pendant une longue période. Envisagez les dons de votre vivant ou la souscription à une assurance-vie si vous entrevoyez des problèmes à cet égard.

3. Faire trop de legs particuliers

Les légataires particuliers – à qui vous léguez un bien ou une somme d’argent spécifique – ne sont pas considérés comme des héritiers, mais comme des créanciers de la succession. Ils ne sont ainsi pas responsables des dettes et des impôts rattachés aux biens reçus, à moins d’une clause à cet effet dans le testament. Il faut donc être prudent avec ce type de leg, car ils peuvent avoir comme conséquence de rapidement réduire, voire d’éliminer, la valeur des legs à vos héritiers. Si vous souhaitez tout de même faire des legs à titre particulier, il est important de mettre fréquemment votre testament à jour pour tenir compte de votre situation financière courante, ou de faire des legs particuliers « à charge » de payer l’impôt et la dette rattachés au bien transmis.

4. Rouler au conjoint tout ce qui peut l’être

Il pourrait être tentant de rouler au conjoint (c.-à-d. transférer au prix de base rajusté sans impact fiscal immédiat) tous les biens dont la disposition réputée conduirait à une facture d’impôts, toutefois ce n’est pas toujours l’option la plus sage. D’abord, dans certains cas, provoquer la disposition immédiate pourrait minimiser les impôts à payer. Ce pourrait notamment être le cas si vous possédiez des pertes en capital non utilisées au moment de votre décès, si votre taux d’impôt moyen de l’année était inférieur au taux de votre conjoint (en tenant compte des crédits sociofiscaux), ou si vous aviez accès à la déduction pour gains en capital dans le cas d’actions admissibles de petite entreprise.

D’autre part, le fait de tout rouler au conjoint survivant pourrait être problématique dans le cas où ce dernier ne serait pas le parent d’un ou de plusieurs de vos enfants, ou qu’il aurait des enfants d’une union précédente ou subséquente. Vous n’auriez alors aucune garantie qu’à son décès, les biens restants de l’héritage seraient transmis à vos enfants selon vos volontés, à moins d’utiliser des outils légaux comme la fiducie au bénéfice du conjoint.

5. Mal choisir (ou ne pas choisir) son liquidateur

La liquidation d’une succession est un long processus qui exige beaucoup de travail entre la recherche testamentaire, l’obtention de plusieurs documents légaux, les discussions avec les successibles et les héritiers, l’inventaire des biens et des dettes, la production des déclarations de revenus, et de nombreuses autres tâches administratives.

Le choix du liquidateur est donc primordial à son bon déroulement, et celui-ci doit être bien organisé et prêt à mettre le nombre élevé d’heures nécessaires à remplir toutes les étapes, ainsi que les documents administratifs qui les accompagnent, faute de quoi les délais et les coûts augmenteront (p. ex. en situation d’absence de production des déclarations de revenus qui entraînerait des pénalités et des intérêts).

Le liquidateur pourrait également avoir des problèmes légaux avec les créanciers ou les héritiers de la succession. En tant qu’administrateur de la succession, il engage en effet sa responsabilité personnelle et se met à risque s’il n’agit pas avec prudence, diligence, honnêteté et loyauté, et s’il ne prend pas les étapes nécessaires pour se protéger. Ce serait entre autres le cas s’il faisait preuve de négligence et que des biens sous son administration se détérioraient, ou s’il remettait des biens aux héritiers sans avoir d’abord fait l’inventaire et les démarches administratives requises. Évidemment cette situation serait déplaisante pour les créanciers et les héritiers, mais notons que les deux exemples cités n’impliquent pas nécessairement une intention malveillante de la part du liquidateur.

De plus, il faut tenir compte des relations entre les héritiers. En situation de conflits ou de tensions, mieux vaut nommer un liquidateur n’ayant aucun intérêt à la succession et capable de demeurer objectif sans se laisser influencer. Au minimum, il faut éviter de nommer les héritiers qui ne s’entendent pas comme coliquidateurs, à moins de vouloir maximiser les chances que la succession se retrouve devant les tribunaux.

6. Tenir vos héritiers dans l’ignorance jusqu’après votre décès

Il peut être tentant de ne pas discuter avec vos héritiers de vos volontés par rapport à l’héritage que vous laissez, soit parce qu’il s’agit d’un sujet inconfortable ou parce que vous ne voulez pas que cela influence leur comportement. Toutefois, si vos proches connaissaient ces volontés, ainsi que les raisons qui les justifient, cela pourrait faciliter leur acceptation et éviter certaines émotions négatives comme le sentiment d’injustice, la tristesse ou la rancœur. À terme, cela est susceptible de simplifier le processus de succession et de réduire le risque de conflits, particulièrement si le partage de vos biens est inégal.

Ces discussions pourraient également être l’occasion pour vous de découvrir que certains des membres de votre famille ont un attachement sentimental que vous n’auriez pas soupçonné envers des biens en particulier, alors que d’autres non. Connaître ces préférences vous permettrait de modifier vos dispositions testamentaires et de maximiser la satisfaction de vos proches, sans pour autant compromettre l’atteinte de vos objectifs.

Rappelez-vous que ces erreurs sont évitables

Malgré la complexité et l’aspect émotionnel de la planification successorale, prendre le temps de mettre vos affaires en ordre et d’éviter ces erreurs en vaudra la peine, car cela vous permettra de prévenir des problèmes pour vos proches et de veiller au respect de vos volontés. Alors, travaillez avec votre conseiller et votre notaire pour vous assurer d’établir un plan qui répondra à vos attentes.

Nous avons rédigé le présent commentaire afin de vous donner notre avis sur différentes solutions et considérations en matière d’investissement susceptibles d’être pertinentes pour votre portefeuille de placements. Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement ceux de la Financière Banque Nationale. En les exprimant, nous nous efforçons d'appliquer au mieux notre jugement et notre expérience professionnelle du point de vue d’une personne appelée à suivre un vaste éventail de placements. Par conséquent, le présent texte représente notre opinion éclairée et non une analyse de recherche produite par le Service de recherche de la Financière Banque Nationale, ou une recommandation légale.

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